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Stéphanie ALLEMAND, agrégée d’anglais devenue Ingénieure Pédagogique en détachement au sein de France Education International


Stéphanie ALLEMAND, agrégée d’anglais devenue Ingénieure Pédagogique en détachement

 

AIDE AUX PROFS a accompagné Stéphanie ALLEMAND en 2020-2021 en option DET, un véritable processus d’out-placement dans notre dispositif associatif bénévole.

 

Quel a été votre parcours professionnel de la fin de vos études jusqu’à votre reconversion actuelle ?

 

Après avoir passé et réussi le CAPES et l’agrégation d’anglais en 2007, j’ai enseigné l’anglais pendant 11 ans, majoritairement en lycée général et technologique, en Île-de-France (hormis pendant mon année de stage où j’ai été affectée dans un collège à Nantes). Pendant cette période, j’ai construit, mis en œuvre et animé des situations d'enseignement en prenant en compte la diversité des élèves, tout en coordonnant l'équipe pédagogique d’anglais de mon établissement. J’ai également eu l’occasion d’enseigner en section européenne et de mettre en place, avec une collègue enseignante d’histoire-géographie, le Programme d’Études Intégrées des Instituts d’Études Politiques.

 

En parallèle, j’ai été vacataire à l’Université Paris-Sorbonne pendant 2 ans : j’animais des travaux dirigés de renforcement linguistique pour des étudiants en Licence 1 Histoire. J’ai aussi été khôlleuse en classes préparatoires. Ayant depuis mes études universitaires l’idée d’enseigner « autrement » et à d’autres types de publics (je souhaitais enseigner l’anglais aux enfants malades à l’hôpital), j’ai alors décidé de préparer le CAPPEI (certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive), ce qui m’a mené à occuper un poste de coordinatrice d’unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) dans une cité scolaire huppée de l’ouest parisien.

 

J’y enseignais l’ensemble des matières générales à une dizaine de collégiens ayant des troubles des fonctions cognitives lors des temps de regroupement au sein de l'ULIS. Je coordonnais aussi le dispositif et les relations avec les partenaires extérieurs, et j’étais personne ressource auprès de la communauté éducative. C’est après avoir échoué à l’une des trois épreuves de l’examen (du CAPPEI), quelques semaines avant le tout premier confinement lié à la crise sanitaire du COVID-19, que j’ai décidé de reprendre contact avec l’association AIDE AUX PROFS (que j’avais déjà contactée quelques années auparavant à titre informatif) pour entamer un projet d’évolution professionnelle.

 

Cet accompagnement a permis que je sois recrutée sur un poste en détachement le 1er septembre 2021 au sein de France Éducation international, un opérateur du ministère de l’Éducation nationale, en tant qu’ingénieure pédagogique au sein du département évaluation et certifications.

 

Quels projets pédagogiques aviez-vous pu mener (le cas échéant) et desquels êtes-vous le plus fier(e)/heureuse ?

 

Lorsque j’étais professeur d’anglais, j’ai mené les projets suivants avec mes élèves, toujours dans l’objectif de renouveler mes séquences pédagogiques en m’appuyant sur l’actualité culturelle du moment :

 

- nombreuses sorties au cinéma (pour étudier des films en VO)

- sorties théâtre (avec la compagnie Théâtre en anglais, ainsi qu’au théâtre du Châtelet afin d’assister à des représentations de comédies musicales en VO)

- visite d’exposition (au Grand Palais, autour du peintre Edward Hopper)

- voyages scolaires au Royaume-Uni (Londres, Chester) et en Irlande (Dublin).

 

J’ai également eu la chance d’effectuer un séjour professionnel d’une durée de deux semaines dans un établissement scolaire en Irlande. Cela m’a permis d’échanger des bonnes pratiques pédagogiques avec mes collègues irlandais.

 

Deux ans plus tard, j’ai participé à Londres à un programme Comenius de formation continue pour les enseignants qui m’a permis de suivre une formation de 5 jours sur l’enseignement de la culture britannique. En tant que coordinatrice d’ULIS, j’ai réalisé que le handicap ouvrait de nombreuses portes. J’ai donc pu, avec mes élèves, bénéficier d’activités sportives adaptées proposées et financées par le département des Hauts-de-Seine chaque année (course d’orientation, équitation, golf, tennis, VTT + journées de tournois inter-établissements). Nous avons également eu la chance de pouvoir nous rendre au tournoi de Roland Garros toute une journée, pour assister à des matchs de joueurs en situation de handicap. Nous sommes aussi allés au Mémorial de la Shoah pour effectuer un atelier sur la vie et l’histoire des enfants juifs déportés. Toutes ces expériences ont été riches, chacune à leur niveau, car elles m’ont permis de renouveler mes pratiques enseignantes et de rompre avec la routine et le train-train ordinaires de la salle de classe, également pour les élèves.

 

Quelles compétences avez-vous développées durant tout votre parcours de carrière ? Lesquelles vous sont encore utiles actuellement en détachement ?

 

Compétences pédagogiques et didactiques :

 

- conception, mise en œuvre et animation de situations d’enseignement adaptées à des publics variés - conception de dispositifs d’évaluation et de certification

- maîtrise des programmes scolaires

- adaptabilité à différents contextes et publics (collégiens, lycéens, étudiants)

- pédagogie différenciée (prise en compte de la diversité des élèves, notamment dans un cadre d'inclusion scolaire)

- connaissance des pratiques de l’éducation inclusive

 

Compétences en coordination et en collaboration :

- coordination d’équipe pédagogique

- travail interdisciplinaire (PEI Sciences Po, section européenne, co-enseignement en BTS moteurs à combustion interne)

- accompagnement de la communauté éducative sur les questions d’inclusion

- interface avec les professionnels de santé et du médico-social dans le cadre de l’ULIS

 

Compétences transversales :

- capacité d’adaptation à des publics, des contextes et des niveaux très différents

- autonomie - organisation / rigueur

- esprit d’analyse et de synthèse

- communication écrite et orale adaptée à différents interlocuteurs

 

Aviez-vous songé à devenir chef d’établissement ou inspecteur ? 

 

Jamais de la vie ! Ce type de reconversion ne m’a jamais fait rêver. Repasser des concours, être logé sur son lieu de travail, devoir prendre des décisions en étant tiraillé entre la réalité du terrain des enseignants et les injonctions ministérielles des cabinets rue de Grenelle : très peu pour moi… d’autant que je n’ai pas la personnalité d’un manager. Quant au métier d’inspecteur, les rares inspections que j’ai moi-même vécues en étant enseignante m’ont tellement écœurées de ce système de suivi de carrière que j’aurais moi-même été bien mal aise d’en infliger à d’autres.

 

Aviez-vous peur de vieillir dans ce métier d’enseignant ?

 

Oui, complètement. Avant même de passer les concours de l’enseignement, j’ai toujours su que je ne voudrais pas faire ce métier toute ma vie professionnelle (durée des carrières de plus en plus longue, fatigue devant les élèves, lassitude de faire plus ou moins toujours la même chose / peur de la routine, etc.).

 

Quelles raisons vous ont conduit(e) à quitter le métier de professeur ?

 

L’infantilisation des enseignants (lors des rendez-vous carrière, par ex.), un burn-out frôlé de très près, une insatisfaction grandissante d’année en année, le manque de reconnaissance de toutes parts, la trop grande porosité entre vies personnelle et professionnelle, l’impossibilité de faire des coupures nettes (hormis lors des vacances d’été, où je n’avais absolument pas ni la force ni la volonté de travailler), des emplois du temps de moins en moins arrangeants, des heures supplémentaires imposées de plus en plus systématiquement et en nombre de plus en plus grand, une absence de flexibilité (choix des périodes de congés, des jours d’absence occasionnels), le côté ingrat, rébarbatif et décourageant des corrections, la lourdeur administrative des tâches qui se sont accumulées au fil des ans, les parents d’élèves vindicatifs, le manque de soutien de la hiérarchie, une perte de sens, un sentiment d’inutilité, le manque de moyens, le nivellement par le bas, le système des mutations et des affectations, le blues du dimanche soir systématique, le bruit incessant, les classes surchargées, les relations trop superficielles avec les élèves (quand on enseigne une langue en lycée, on voit chaque élève au « mieux » deux fois 50 minutes par semaine), la lourdeur des conseils de classes et des bulletins à remplir, la supercherie du baccalauréat (avec les notes à remonter, les journées mascarade des rattrapages), le gel du point d’indice et la perte de pouvoir d’achat (alors que je suis agrégée!), et j’en passe.

 

Avoir été enseignant a-t-il été un atout ou un handicap dans votre projet de reconversion ?

 

Les deux ! Un handicap pour bien des offres d’emploi. Car comment quitter l’Éducation nationale lorsqu’on est titulaire, hormis démissionner ? Et c’est souvent vu d’un œil suspect lorsqu’un professeur veut changer de carrière.

 

C’est forcément qu’il est aigri, mal dans sa peau, ou qu’il ne sait pas tenir ses classes. Quant au détachement, les fenêtres calendaires sont extrêmement restreintes ; cela relève presque du miracle d’être recrutée pour une prise de poste un 1er septembre, seule et unique date de l’année où cela est possible, d’après les textes. Mais cela a aussi été un atout sur le poste que j’occupe actuellement car j’ai pris la suite d’une enseignante d’anglais elle aussi détachée. Quand j’étais encore prof, j’ai suivi un stage de formation inscrit au PAF (plan académique de formation) qui était certifiant. Hasard des hasards, la certification que j’ai obtenue à l’issue de cette formation faisait partie des critères d’embauche sur l’offre de recrutement à laquelle j’ai postulé.

 

Quelles missions et responsabilités vous sont confiées sur votre poste d’ingénieure pédagogique ? Quelles compétences y sont importantes ?

 

gestion des différentes étapes de l'élaboration des certifications de français langue étrangère (gestion des rédacteurs de sujets, participation aux commissions de validation, gestion des correcteurs des épreuves d'expression, élaboration et constitution de versions)

mise en place de procédures intégrées à une démarche qualité

rédaction de programmes, de notes, de rapports et de supports de communication

• planification, conception et développement de projets

formation de formateurs en France et à l'étranger sur la méthodologie de l'évaluation

suivi de projets dans le cadre de partenariats avec des institutions éducatives (médias, institutions officielles, lieux de passation, etc.) + chargée du suivi pédagogique des candidats à besoins spécifiques + chargée du suivi pédagogique du dispositif DELF scolaire en France et à l’étranger

avoir une solide expérience dans le domaine du FLE ou des langues étrangères, acquise en France ou à l'étranger dans un établissement du réseau culturel français (institut français, alliance française, centre culturel français, établissement de l’AEFE ou de la Mission laïque française);

avoir une pratique de l'évaluation des compétences en langues étrangères ;

maîtriser les principes du Cadre européen commun de référence pour les langues ;

• avoir une expérience en tant que formateur de formateurs ;

• avoir une pratique de la gestion de projets ;

• avoir un intérêt marqué pour les TICE et la formation à distance ;

• être disponible pour effectuer des présentations et des missions en France et à l'étranger ;

• savoir utiliser les logiciels bureautiques et de PAO ;

• savoir télétravailler en se conformant à l’organisation collective du travail ;

• avoir la maîtrise d’au moins une langue étrangère avec une mention particulière pour l’anglais.

 

Qu’avez-vous pensé de l’accompagnement de l’association Aide aux Profs pour vous aider à quitter l’Education nationale ? Est-que l’Education nationale vous a laissé(e) facilement repartir ?

 

L’obtention de mon poste en détachement est en très grande partie dû à l’accompagnement d’AIDE AUX PROFS. De l’état des lieux sur les compétences que j’avais développées, à la feuille de route m’accompagnant dans mes recherches en passant par la recherche de postes sur lesquels postuler, la mise à jour de mon CV, la relecture de mes lettres de motivation, et la simulation d’entretiens d’embauche, Rémi BOYER a été présent et réactif à toutes les étapes de mon parcours vers une seconde carrière, et je l’en remercie chaleureusement.

 

J’ai été recrutée par France Éducation international fin juillet pour une prise de poste au 1er septembre. Autant dire qu’un véritable parcours du combattant a eu lieu tout le mois d’août, la plupart des services des rectorats étant fermés pour les congés estivaux.

 

Mon arrêté de détachement a finalement été promulgué in extremis le 27 août, soit 4 jours avant la pré-rentrée enseignante (qui était mon plan B, si mon projet de reconversion n’avait pas abouti au terme de l’année scolaire 2020-2021).

 

Que conseilleriez-vous à une personne qui souhaite enseigner ?

 

Je l’encouragerais d’abord à se demander si elle est sûre à 100 % de son choix (pour toutes les raisons précédemment évoquées). Puis je lui conseillerais peut-être, sur recommandations d’AIDE AUX PROFS, de faire ce métier en tant que contractuel pour ne pas être prisonnier de la Fonction publique et conserver sa liberté. Enfin, je lui parlerais des conditions de travail et de rémunération des enseignants dans d’autres pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, et je l’encouragerais peut-être à réfléchir à la possibilité d’enseigner à l’étranger.

 

Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite quitter son métier ?

 

Bien en amont : booster son CV avec des expériences qui vont au-delà de la salle de classe. Monter des projets, faire du bénévolat, se former pour élargir ses compétences… autant d’éléments qui seront utiles pour anticiper une seconde carrière.

 

Ne pas attendre qu’il soit trop tard. Ne pas attendre d’être aigri pour se poser la question d’une seconde carrière. S’armer de patience et d’un moral d’acier, car il ne suffit pas de dire que vouloir, c’est pouvoir, pour y arriver : c’est un vrai parcours du combattant.

 


L'Option DET dans le dispositif AIDE AUX PROFS est un processus d'Out-Placement réservé à des professeurs agrégés, certifiés, Plp, professeurs des écoles, qui ont eu un parcours diversifié et souhaitent disposer des meilleures chances avec l'accompagnement de notre expert, Rémi BOYER, qui accompagne 10 professeurs/an au maximum dans cette option.